lundi 30 avril 2018

[YUL&I - 9] To the places where all the veins meet


 [Saviez-vous que le nom du groupe "Ottawan" est un hommage à la capitale du Canada ? Maintenant, oui]

Mon budget escapade étant ce qu'il est, j'avais pas trop de quoi rester une nuit à Ottawa, du coup j'y suis allée sur une journée. Et j'ai kiffé.

Après la petite déception qu'était Québec (trop touristique, trop escarpé, trop disney dans la vieille ville et des gens moins sympa en général qu'à Montréal), je m'attendais à vraiment tout avec la capitale.


J'ai débarqué du bus en plein campus universitaire, au milieu de vagues d'étudiants qui apprenaient à s'y repérer, je ne dépareillais pas, mes yeux rivés à Google maps.

Une fois que j'ai réussi à m'extirper de cet endroit, j'ai traversé une première fois le canal Rideau pour me retrouver à côté de la mairie, qui n'a tellement rien d'exceptionnel que je n'ai compris qu'a posteriori qu'il s'agissait de la mairie.


 

Premier arrêt dans le parc de la confédération, où je réalise qu'à Ottawa, ils aiment bien la guerre. Il y a des monuments un peu partout pour commémorer un peu toutes les guerres et un peu toutes les batailles et un peu tous les gens qui y ont pris partie.

Même les animaux.


Mon but était d'aller prendre des photos de l'extérieur du parlement, persuadée qu'on ne pouvait pas le visiter. Et en fait si. Et c'est gratuit (et chouetos). Par contre tu subis une fouille comme dans les aéroport et y a des gardes en uniforme qui te jugent tout le long de ta visite, mais c'est un petit prix à payer tellement c'est cool de voir la chambre des communes, le sénat et surtout la badassbliothèque. 





Seule pièce qui n'a pas brûlé dans le grand incendie de 1916.


J'ai aussi pu faire un coucou main à le portrait de la reine et j'ai cherché en vain celui de Justin Trudeau en me disant qu'il était ptet pas fini d'être peindu, tout simplement.

 






Sur la route pour le parlement, il m'est arrivé un truc bizarre. Une sensation de déjà-vu, mais pas celle qui est perturbante et qui s'en va en laissant l'air perplexe et les sourcils froncés, non, celle où tu sais que t'as déjà vu un endroit. 
C'était devant le monument commémoratif de guerre du Canada (oui, à Ottawa, ils aiment commémorer les guerres je vous ai dit, chacun ses hobbys). 



Je suis restée un moment comme deux ronds de flan à faire défiler les pensées connexes que cet endroit m'évoquait. Non, je n'étais jamais venue avant. Non, ça ne ressemblait pas à un autre endroit où j'étais allée. Non, ce n'était ni dans un film, ni dans une série.
Et puis au moment où j'ai aperçu les gardes, au pied, ça m'a frappé comme une alerte BFMTV.

Je me suis rappelée de ce moment dans l'avant, où j'étais restée comme médusée face à mon écran de télé, devant les flashs actus bardés de bandeaux "urgent" informant d'un des premiers attentats de cette période. On était en octobre 2014, j'étais très heureuse, et un mois après, ce serait le début du drame dans ma vie personnelle, et deux mois après, du cauchemar national. Autant vous dire que j'en garde un souvenir vivace et presque tangible. Comme une première disruption. Le dernier avertissement avant l'apocalypse.

Et me retrouver là, sans avoir fait le rapprochement, sans m'être préparée, en m'étant concentrée très fort pour replacer l'événement et surtout au sortir d'une semaine qui a pas mal secoué mon pays d'adoption m'a tout de suite plongée dans une tout autre énergie. 

C'est alors que j'ai remarqué tous les détails autour de moi : les drapeaux en berne (et dieu sait qu'il y a plein de drapeaux à Ottawa), les mecs armés de mitraillettes dans des voitures banalisées un peu partout dans le quartier (ça fait bizarre d'ailleurs, parce que rien n'indique que ce sont des "gentils" quand c'est banalisé), les échanges des locaux, aussi, qui ne parlaient que de ça. De Toronto, du fdp qui a attaqué la mosquée de Québec et qui est jugé actuellement, et de 2014 et de l'attaque du monument qui s'est finie dans le hall du Parlement. 

J'ai pas pu m'empêcher de me dire que c'était quand même chelou cette ville qui commémore autant de tueries et qui a été visée / est sous la menace de tellement d'autres.




[Ottawa, la ville de la bagarre]


Du coup, pour me changer les idées, je suis allée au festival de la Poutine (Sans transition). 




C'était chouette, et y avait plein de statues cool dans cette rue. Et j'ai fini par me poser dans un pub irlandais parce que 1) passion pub, 2) passion Irlande, 3) beer good, 4) une des plus grosses communautés de la ville est irlandaise



Bon, le seul livre que j'avais à portée de main étant Les derniers jours de Stefan Zweig, c'était pas l'éclate non plus, mais la pinte de Barking Squirrel et la poutine végétarienne revisitée mode mexicaine m'ont redonné un peu de couleurs et le minimum d'espoir en l'humanité nécessaire à ne pas finir cette journée roulée en boule sur un banc public. 

[Partie 2 de ma folle virée à Ottawa prochainement, promis ce sera OK, ce sera Bath, ce sera In.]

lundi 23 avril 2018

[YUL&I - 8] You want it darker



Montréal est une île (simple)
A l'ouest de cette île, y a de la cambrousse (basique) 

Dans cette cambrousse, ce week-end, il y avait moi. 

J'ai fait 40 km sur le même ticket de métro, et il me restait quand même 4 kilomètres à faire toute seule à travers arboretum et forêts et champs pour arriver à mon graal.
Autant vous dire que je faisais pas ma maline.

La marche et moi c'est une longue lutte, jusqu'à mes 18 ans, je ne pouvais pas faire 1km à pied sans me faire une entorse ou avoir de toute façon horriblement mal. Puis j'ai été opérée, et j'ai mis bien deux ans à retrouver ma mobilité et à ne plus avoir de douleurs post-op. Une fois que ce fut fait, je m'a pété un métatarse lors d'une folle soirée clodoaldienne. #VDM

Donc ouais, je suis la copine relou toujours à la traîne et qui propose toujours un plan bus.

Mais, il se trouve que c'est le moindre mal pour moi, la marche. Je déteste l'exercice, et l'exercice me déteste. Je ne sais déjà pas respirer correctement donc encore moins courir. 
Alors, la fin de ma vingtaine approchant, j'ai commencé à marcher beaucoup et tout le temps en faisant fi de la douleur.

J'ai abandonné, à l'aune de cette bonne résolution, mes éternelles chaussures à talon (Ne me jugez pas ! Si je me suis fait opérer c'était aussi pour pouvoir mettre toutes les chaussures du monde !)

De toute façon j'ai plus de mutuelle donc c'était pas le moment de perdre une cheville ou un dos. 

Bref, j'avais un sourire grand comme la lune en longeant le Saint-Laurent, et encore plus une fois arrivée au bord du lac Saint-Louis.

 

J'ai même eu la révélation : la mer me fait peur, les fleuves c'est triste et y a plein de cadavres dedans, mais les lacs, c'est bien. Un jour, je vivrai au bord d'un lac. Ma chatte aquaphile sera ravie.

Des kilomètres et des kilomètres de maisons belles et raffinées en bord de lac, une ciel plus bleu que le bleu de mes yeux, et enfin 10° au thermomètre. 

Je suis descendue de mon premier bus après 1h de ma meilleure playlist, prête à en découdre, en me répétant "tout va bien se passer tout va bien se passer". 

Dans mon deuxième bus, aussi petit qu'un van appartenant à une personne à deux prénoms ayant une propension à tuer des jeunes gens, j'entends comme une prière qui me dit vaguement quelque chose. Comme pour parfaire ce parfait cliché, c'est la voix de Leonard Cohen qui accompagne mon dernier bout de chemin motorisé.

J'ai un moment de flottement quand on me largue dans le sous-sol d'un hôpital d'anciens combattants. Le fait est que Google maps peut être mon meilleur ami comme mon pire ennemi et que souvent, en Amérique du Nord, il te fait passer par des bretelles d'autoroute et/ou des voies rapides.

J'ai donc décidé d'être plus intelligente que mes pieds et j'ai suivi LA PISTE CYCLABLE. Non mais je vous jure que j'étais hyper fière.

 

 

Elle passait par des sous-bois et je suis tombée sur une marmotte morte (ce qui est à la fois triste et très difficile à dire), mais all in all j'ai fini par être rendue.

Où ça ?
AU SEUL ZOO DE L'ÎLE DE MONTRÉAL (car Montréal est une île, souviens-toi)

 
[Ceci est un raton-laveur]

Alors pas un zoo "je prends un rhino, trois girafes et je prie pour pas qu'ils gèlent." mais une sorte de refuge-mini réserve d'espèces locales, sur un très grand domaine couvrant à la fois montagne, forêt dense, marais et plaines. Et si vous avez joué à Zoo Tycoon vous savez que c'est formidable.

Mon but premier était de voir un caribou, parce que LE QUÉBEC. 
Mon but second était de passer trois heures à piailler devant les lynx canadiens, cousins proches et lointains de mon Maine Coon de compagnie. #grossespapattes

[Mon premier caribou #émotion]

J'ai besoin du contact des animaux pour mon bien-être comme j'ai besoin de me couper de celui des humains régulièrement.

 

Autant vous dire que là, plus de protestation pédestre, j'ai couru comme un petit renard arctique par monts et par vaux, évitant tant bien que mal de prendre un enfant canadien et de le jeter chez les loups gris ou les ours bruns. (Les enfants canadiens devraient être emprisonnés)

Je suis tombée amoureuse d'un petit duc maculé, l'espèce de hibou la plus cracra de toutes, mais avec un nom badass et un air de victime qui m'ont fait fondre.

 

["The duuuuuke!"]

J'ai conté fleurette à un corbeau, un vrai, et il y avait des corneilles juste derrière donc je pouvais à loisir étudier leurs différences, mais il ne m'a pas répondu. J'ai perdu de mon mojo avec les oiseaux.

 

J'en ai eu plein les yeux. 







Mais c'était l'heure de rentrer.

Comme je suis courageuse et téméraire, je me dis "oh moyen envie de refaire le même chemin surtout que marmotte morte, toussa..." et là, google maps m'a dit "pas de problème Johnson, regarde cet itinéraire ! il est plus court de 50 mètres et tu ne risqueras de mourir aplatie par un 36 tonnes que pendant les 3/4 de celui-ci !"


Bois, pont au dessus d'une autoroute sans trottoir, chemin de campagne, à nouveau pont. Couper à travers champ. Voir un panneau "propriété privée". Se dire qu'on va sans doute se prendre un coup de carabine et s'écrouler au milieu des oies sauvages. En fait, non. Marcher le long d'une autoroute (non mais je vous jure) puis arriver sur le campus bis de McGill où ils font toutes leurs études agronomes et se dire "chouette !" puis déchanter quand tout est désert et que ton espoir de manger un truc part au loin. 

  
[Ceci est un champ de oies sauvages]

Une fois arrivée aux berges du lac Saint-Louis, j'ai failli m'écrouler dans le sable tel Christophe Gégé Depardieu Collomb dans 1492. J'ai mis bien 5 minutes à comprendre que l'arrêt de bus était bien ce poteau, érigé au milieu de nulle part. 
Mes pieds hurlaient famine. Ma fatigue me rendait stone. J'ai souri à une inconnue qui s'est plantée à côté de moi pour attendre le bus et m'a vachement réconfortée quant au fait qu'il y allait bien avoir un bus. Un jour.

Le retour à regarder défiler les eaux miroitantes était aussi fascinant que l'aller, la torpeur des kilomètres en plus, et la joie de se dire qu'il y a une poignée d'années, j'aurais été incapable de tout cela.  



[Ceci est une tortue Serpentine (ou Snap Turtle) et sache qu'il y en a dans TOUS les cours d'eau américains du nord. Et que ça attaque à vue. Bonne baignade !]