vendredi 31 janvier 2014

Hell is just a frame of mind.


Je ne sais plus trop comment il est arrivé dans ma vie. 
Il était une blague récurrente dans la littérature UK et j'avais dû entendre son nom, par-ci, par-là. 
C'est sûrement le jour où je l'ai googlé que tout a changé.

Propulsé dans le panthéon de ma vie où figuraient déjà en bonne place pas mal de grands hommes, des auteurs, mais pas de dramaturges. 

[Alors là, les fidèles vont s'insurger et renverser leurs laptop : et Oscar dans tout ça ? Certes. Mais moi, Oscar, je ne l'aime pas pour ses pièces, et ça, si vous êtes de vrais fidaux, vous le savez bien. 

Bref, ne volons pas la lumière de celui qui n'en a jamais eu assez.]

Christopher "Kit" Marlowe est le type que j'ai affronté d'emblée, tête baissée, à un tout petit âge, avec un  cerveau encore chelou avec un niveau d'anglais balbutiant. Pourquoi ? Parce qu'il a créé Dr Faustus. Et qu'à un âge incertain, je me suis tapé toutes les adaptations de ce mythe. Pourquoi ? Ta gueule. Young Heights faisait des choses étranges. Comme parler seule et porter des Van's. Ce mythe est pour 80% de ma construction en tant qu'être humain, et autant vous dire que pour lire dans le texte, Marlowe était drôlement plus accessible que Goethe. 

Je me suis toujours intéressée aux artistes derrière les créations et je dois dire que celui-ci m'a mise plus bas que terre.

A peine croyable.

En vrac : Espion, bisexuel, gros troll avant l'heure, pourchassé par la justice, assassiné à 29 ans. 

Je vous encourage à vous renseigner car je ne pourrai faire un résumé viable : les sources divergent tellement qu'il faudrait que je tranche et je suis loin d'avoir le bagage pour ça. Je sais quelle est l'histoire de Kit dans ma tête, mais je vous laisse recréer la votre.

Vivant dans l'ombre de Bill Shakespeare, mort dans l'indifférence générale, il avait tout pour attendrir mon petit cœur adolescent. Et c'est ce qu'il fit. 
J'ai acheté dès que j'ai pu ses œuvres complètes, j'ai fait d'innombrables exposés d'anglais sur lui sous l'oeil effaré de certains profs qui n'en avaient même jamais entendu parler (oui, les profs d'anglais en France c'est un vaste chantier). 

Et puis, un soir, dans ma petite chambre de Saint-Cloud, très certainement, j'ai reposé une de ses pièces, essuyé mes yeux et regardé le plafond (j'aime regarder les plafonds, je me souviens mieux de tous mes plafonds que de comment mes appartements étaient agencés), puis je me suis fait la réflexion : quel chat noir, putain. 

Quelque part, lui et moi, on a plein de points communs. Et, quelque part, cette année, j'ai eu la poisse de ma vie en quelques mois. Alors j'ai repensé à lui. J'ai caressé le dos de ses œuvres complètes et je me suis dit "Il est temps."

Alors non, je ne suis pas allée me faire poignarder dans l’œil dans l'auberge la plus proche. 
Non. Je suis allée à Bobigny me chercher un chaton. 

Parce qu'un soir, dans ma petite chambre de Saint-Cloud, je me suis dit que si jamais j'avais un chat noir, un jour, je l’appellerai Marlowe.

[Please welcome Kitty Marlowe the 2nd]



samedi 25 janvier 2014

I sit and cry, just like a child


[My pouring tears are runnin' wild]

Bon, mon gros - tu dois vraiment plus être très gros à l'heure où je t'écris, mais c'est l'habitude - j'ai quelque chose à t'annoncer. 

Tu es toujours là, dans un coin spécial de mon cerveau, inoubliable. Et oui, tu étais là tout le temps, à chaque pas, quand j'ai acheté la litière, le grattoir et quelques jouets.

Ca fait 3 ans que tu as joué à "paf le chat", et que tu as oublié de donner la patte à un adulte avant de traverser. 

Je ne ferai pas la même erreur avec ton successeur. Je le garderai enfermé, confiné, et je le caresserai avec le regard fou d'un Golum en murmurant "mon préciiiieux". 

Il ne sera pas aussi bien que toi.
Je ne me baladerai jamais avec lui dans les hautes herbes, il ne te piquera pas ton mec, et je ne lui refourguerai pas tes affaires.

Tu es, et tu resteras mon chat. Tu sais comme je suis fidèle. Étouffante parfois. Alors oui, je l'aimerai trop et inconditionnellement. Et je recommencerai avec lui ce compte à rebours morbide que je tenais avec toi.

Dans tes dernières années, pas un regard que je t'adressais n'était accompagné d'un frémissement, d'une pensée glaçante "comment faire quand tu ne seras plus là". 

Je blaguais l'autre jour sur le fait que le deuil de notre Mémé nationale serait fait avant le tien. Je crois qu'il y a un fond de vérité. Je pense sincèrement que tu étais le lien entre tous les membres restants de cette maison. 

Et je crois que les autres membres de la famille continuent à être tous profondément jaloux de toi. 

Le manque d'amour du début de ta vie n'a jamais dû être totalement comblé par les torrents que nous t'avons déversé dessus après.

Tu étais notre Prince et je ne te remplacerai jamais.

Je dois juste continuer à vivre et ça devenait un peu trop dur sans affection. 

Tu sais, tu m'as permis de survivre longtemps, à une époque où ça n'était pas évident. Encore moins logique.

Tu as été une raison de vivre. De continuer. 

Tu m'as fait rire, pleurer, tu m'as fait peur, tu as été là, tu as disparu. Je t'ai sauvé. Plusieurs fois. Mais toujours moins que toi, tu l'as fait pour moi. 

Lucifer, vraiment, je n'aurais pas pu te trouver un nom plus mal porté.

Tu étais la gentillesse incarnée. 
Un gros matou tigré sur lequel personne ne se retournait. Jusqu'à moi.

Jusqu'à nous.

Alors je souhaite que le rosier qui pousse sur toi continue à fleurir longtemps, mais même après ça, sois en assuré, je ne t'oublierai jamais.  

I'm so blue 
Here without you 
It keeps raining 
More and more 
Why don't you 
Come on home

mercredi 15 janvier 2014

After my heart


[Ma vie sentimentale (et vice versa)]

La vie est dure. 

Aussi dure que le regard d'une personne qui vous hait. Qui vous hait parce que vous êtes. Parce que vous respirez pas loin d'elle et que rien que ça, c'est la goutte d'eau. 

En 2013, on m'a beaucoup détestée. 
Une telle récolte n'était pas arrivée depuis mes années collège. Ceux qui y étaient le savent : j'étais la lie de la société prépubère et je dois toujours faire un roman post-apo de cette période racontant ce que j'aurais pu devenir après m'être fait caillassée, humiliée et brisée dans tous les sens quotidiennement.

Bon. 
Bah mon année 2013 ressemble à ça. 

Je ne parle pas de broutilles. D'amitiés qui se défont. D'engueulades passagères. De ruptures ou de quiproquos. Non.

J'ai été persécutée, harcelée et intimidée. J'ai perdu ce qui m'était le plus cher à cause de ça, et, pour couronner le tout, on m'a demandé de signer un joli papier m'interdisant de l'ouvrir à ce sujet.

Moi.
Moi qui dit tout.

Moi qui dit à mes amis de ne jamais me confier de secret. Que le mieux que je puisse faire, c'est de ne le répéter qu'à une personne. Généralement je choisis quelqu'un de loin, qui n'en n'a rien à faire, mais quand même.

Je tiens ce blog depuis 10 ans. 

DIX ANS.

Dix ans +1 jour.

Le 14 janvier 2004, à 22h25, je postais, sur 20six, ma première note de blog.

C'était pathétique, anarchique, erratique. C'était bien.

Je suis d'une génération hyperconnectée où tout se sait, tout se dit, où les barrières de la morale et de la parole s'effondrent.
C'est ici que j'ai commencé mon apprentissage. C'est ici que j'ai fait état de mes conquêtes du monde réel. 

C'est ici que je ne pourrai jamais expliquer en détail pourquoi l'emploi va mal et à quel point j'en suis témoin.
Pourquoi je me suis fait virer parce que j'ai osé être une fille qui n'a pas su se taire. 
Remarque, j'aurais pu arrêter cette phrase à "parce que j'ai osé être une fille".

Cette génération est encadrée et employée par une génération qui n'a aucune idée de ce que c'est que d'être né avec les nouvelles technologies. Ils sont une race d'acquis quand nous sommes les premiers à être innés

J'étais la meilleure pour ce job, c'est pour ça que je l'ai décroché. C'est pour ça qu'on m'y regrette. C'est pour ça que je n'aurais jamais dû le perdre.
Pas pour ça, pas comme ça. 

Je touche aux limites de ce que j'ai le "droit" de dire, mais rien ne m'empêche de parler de mon ressenti, alors le voilà :

Je regrette avant toute chose que la misogynie ait gagné - et haut la main avec ça - auprès de personnes que je pensais fondamentalement-farouchement-fièrement féministes, et dans le sens constructif du terme.

Et je regrette de m'être trahie. Pas en faisant ce qui m'a été reproché. Pas en protestant devant les tentatives de déstabilisations qui ont mené à ma perte. 

Mais en signant ce foutu papier.
En rognant sur ma liberté d'expression. 

C'est mon grand combat, dans la vie : faire entendre des voix. La mienne en fait partie. 
Mon métier c'est d'entendre, c'est de lire, c'est de voir, au sens structuré et décisionnel du terme. 
Je ne suis pas une sainte et encore moins quelqu'un de fondamentalement gentil et positif, mais je suis un rouage de la démocratie. 

En acceptant de laisser un peu de ma liberté alors qu'on me la rendait, je me suis reniée. 
C'est une trop maigre consolation que de savoir que, finalement, personne n'a gagné dans cette histoire. 

J'entre dans cette nouvelle décennie avec une seule certitude, et une seule réponse à la question "qu'est-ce que tu fais dans la vie ?" : je m'exprime.

Et je suis libre de le faire. Et j'espère ne jamais plus laisser personne me faire taire.