mercredi 29 août 2012

My sorry-ever-after [Part V]


Je suis arrivée à ce point très exact entre l'amour et la peur où je ne pouvais plus me taire.
Où je ne pouvais pas parler non plus.

Nous étions sur le chemin de l'amitié et il fallait absolument, pour ma santé mentale, que je sache qu'il ne se passerait jamais rien entre lui et moi. Il fallait qu'il le sache, aussi. 

C'est devenu une obsession : quand, comment lui dire ?

Il s'asseyait toujours à côté de moi, mais ne me parlait, ou seulement par gestes, là il me pinçait, ici il laissait traîner ses doigts pour voir si j'étais chatouilleuse. Il riait à mes blagues. Je riais aux siennes. Mais, je crois que nous ne nous adressions jamais vraiment l'un à l'autre.

Et puis est venue la soirée. 
Tout avait très bien commencé. J'étais saoule. Mais dans un état léger. Flottante. Sûre de mon fait. 
Tout le monde riait.
Puis les cris ont éclaté.
Le couple qui nous recevait a claqué la porte et nous nous sommes retrouvés, entre invités, à se demander pourquoi.

La Bête les a suivis. 
Une heure après, les gens qui devaient dormir sur place ont décidé de rentrer. 

Je suis restée car j'habitais à 5 minutes, j'ai rangé.

Je m'inquiétais.

J'ai fini par attraper mes affaires et descendre.

J'ai trouvé La Bête seule dans le jardin, à écouter d'une oreille distante l'explication dorénavant calme et laconique de ses meilleurs amis, cachés derrière le bâtiment.

Je lui ai demandé si ça allait. Je lui ai expliqué la situation. Il m'a dit qu'il fallait les laisser.

J'ai dit que je partais. Il a dit que lui aussi. 

J'ai fait deux pas vers la sortie.

Puis deux pas en arrière.

"Tu veux dormir à la maison ?"

Il a levé la tête et l'a hochée doucement. 
Il n'y avait jamais de mots quand on avait quelque chose d'important à se dire. 

Il est monté chercher ses affaires, j'ai passé la tête pour dire au revoir au couple, et annoncer que la voie était libre, et que je ne faisais que passer.

La Bête m'attendait déjà dans la rue. 

En la descendant, je me suis aperçue qu'il était saoul aussi. 

Je lui ai dit que c'était en tout bien tout honneur, et j'ai pensé qu'il n'avait peut-être pas compris, puisque les expressions étaient un peu son talon d'Achille linguistique.

Je lui ai dit qu'on était amis. Il a passé son bras autour de moi.

On est arrivés chez moi. 

J'ai entrepris, complétement ronde, de changer les draps. 

Ca s'est fini en bataille rangée d'oreiller, de peluches et de lui sur moi, moi dans le drap. 

Ca s'est fini dans des rires aux éclats, couchés, dans le noir, face à face.

Je lui ai parlé du malaise avec mes amis, celle qu'il avait embrassée et celle avec qui il avait à moitié couché.

Il m'a dit que ça ne devait pas être de très bonnes amies.

Je lui ai dit qu'elles avaient une bonne raison de m'en vouloir.

Il n'a plus répondu.

Je lui ai demandé s'il voulait savoir.

Il m'a dit oui.

Je lui ai dit que moi aussi, j'étais tombée amoureuse de lui.

Je lui ai dit que je n'allais rien en faire. Que ça resterait comme ça.
A cause de mes amies.
Je ne lui ai pas dit les autres raisons, je sous-estimais à raison son cerveau masculin.

Il n'a rien dit. Rien de rien.

Le silence a rempli des minutes.

Puis il a passé sa main sous mon T-shirt.

J'ai retenu mon souffle.

Ce n'était plus de la proximité, c'était un envahissement. 

Je n'ai pas réagi. Je ne me suis pas dégagée. Il me tétanisait. Toujours déchirée entre ma détermination à ce qu'on n'aille pas plus loin et ma peur de le perdre. 

Je lui ai juste demandé ce qu'il faisait et il a ri comme un adolescent.

Il a fini par enlever sa main et s'assagir.

Le lendemain, je me suis réveillée bien avant lui. Je lisais quand il a passé son bras autour de moi à nouveau. 

Sa première question, après le débrief de la soirée, a été "Pourquoi tu as voulu te tuer ?"

"Combien de fois tu as essayé ?"

"Comment ?"

J'étais une machine à vérité en sa présence et les mots sont sortis de ma bouche, précis, chirurgicaux, détaillant ma vie, chez mes parents. L'impossibilité d'être. La fuite à tout prix. 

Je n'étais pas sûre qu'il avait compris et j'allais avoir la confirmation quelques temps après.

Et puis nous avons eu faim, mais je n'avais rien. 

Il m'a autorisé à monter dans sa voiture pour la première fois (il avait pour elle l'attachement équivalent de celle d'une grand-mère à son Yorkshire).

Nous avons atterri dans un boui-boui immonde où je n'avais de l'appétit pour rien. Ce qu'il n'a pas compris étant donné qu'il payait. Je lui ai expliqué que je n'avais pas faim d'autant plus s'il payait.

Notre incompatibilité s'affirmait de plus en plus et malgré cela nous sommes restés tout l'après-midi là, à se regarder. J'ai dû parler de moi pour combler les trous. Lui poser des questions sur lui. Ce qu'il haïssait. Parce qu'il y avait peu à dire selon lui et qu'il le répétait tout le temps : d'où il venait, pourquoi il était en France, sa famille, ce qu'il voulait faire...

Jamais il n'a abordé le sujet de la nuit précédente.

Lorsque je suis rentrée chez moi après qu'il ait insisté pour me raccompagner, j'étais la personne la plus vide au monde.

Je m'étais livrée, corps et âme, à La Bête.

Il avait tout entre les mains. 
Et je n'allais pas tarder à savoir ce que c'était de confier son cœur à un enfant.

N'importe qui se serait tu.

N'importe qui, sauf moi.

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