mardi 31 janvier 2012

You're number one on her little black list

Le vrai tombeau des morts c'est le cœur des vivants.

Voilà. Pas besoin de lire la note précédente, elle a été résumée par Cocteau il y a quelques dizaines d'années.


Quand je suis arrivée à Paris, je faisais plein de petites crises cardiaques, à tous les coins de rues.

Un beau garçon. Un beau bateau. Un bel immeuble. Un beau tableau. Un beau nuage. Un beau ciel d'hiver.

Je regrette ce temps où je le prennais.

Où je l'avais.

Où, avant de m'endormir, dans mon minuscule 10m² de Saint-Cloud, je préparais ma prochaine évasion du week-end. Tel ou tel musée. Telle expo.

La vie était réglée comme du papier à musique mais surprenante. Presque plus que maintenant où je me laisse porter, la plupart du temps. Où ma présence à un endroit dépend plus de ma santé que de ma volonté.

Non vraiment, rien de nouveau, la preuve en est qu'en marchant, les yeux dans le vide, d'un métro à l'autre, j'ai tout à coup réalisé que le dernier garçon à avoir posé ses mains sur moi était probablement le même que l'avant-dernier. Sans que j'aie fait le rapprochement avant.

Deux hook-up dans deux bars différents avec pour seuls indices un vague souvenir d'à quoi il ressemblait mais surtout de comment j'étais ressortie de ces deux rencontres : avec l'impression d'avoir rencontré quelqu'un de nouveau, alors qu'en fait, je me leurrais.

Je pensais qu'à Paris on pouvait semer les gens, dans la foule, décider de couper les liens avec eux et les noyer dans la masse. J'ignore très bien les gens. C'est un don partout ailleurs, mais à Paris, c'est la norme.

On ne sème pas les gens, ils sont tout autour, on les croise : on décide juste de ne plus les voir.

C'est un village.
Car, même si nous sommes plus nombreux : nous nous ressemblons tous.

Moi ? Je suis d'une typologie particulière. La marginale intégrée. Bipolaire de facto. Celle qui s'est évadée à Paris pour mieux s'emprisonner. Élargir ses 10m² à 20 arrondissements comme si elle s'enroulait dans une couette en refusant de se lever.

Je ne serai jamais adulte, puisque Paris le permet. Je ne serai jamais mes parents, merci Paris. Je pourrai perdre les gens. Les retrouver. Les reperdre. Ne plus penser à rien. Me laisser porter par le monde autour de moi, car nous sommes assez nombreux et qu'il y aura toujours un métro.

Je pensais qu'un jour un garçon viendrait, me parlerait de vieux films en noir et blanc avec ingéniosité et érudition - ma version du prince charmant. Crèverait ma bulle. Mais, je le sais même si je n'y crois : on attend trop de quelqu'un dès lors qu'on attend quelque chose de lui.

Je commence à croire qu'il en va de même de la vie.

Ne rien attendre, dans l'espoir d'être surpris : est-ce déjà trop attendre d'elle ?

dimanche 22 janvier 2012

The Hunt


J'entends les discussions des gens, de mes proches, sans vraiment en saisir toute la substance, ça fait, en gros :
"J'ai rompu avec A pour tenter quelque chose avec B tout sachant qu'il aime C et que c'était foutu d'avance, et que A, de toute façon était mieux pour moi."
"C'est comme moi, j'ai envie de sortir avec D mais il est en couple avec E, alors, en attendant, je sors avec F."
"J'aime G, et H, et I, aussi, et, bizarrement, leur amitié n'a pas survécu."
"J et moi, ça fait 5 ans, et, même si nous sommes bloqués dans nos vies, je ne l'abandonnerai pas, parce qu'il n'y a du K, ni L."

Et il y a de quoi faire avec la fin de l'alphabet - believe me.

Etant une fille qui n'a à répondre à tout ça que "Bah... vous en avez bien de la chance." et qui reste muette comme une carpe le reste de la conversation (car, à chaque fois qu'elle s'en mêle, elle casse tout), étant cette fille, je me posais régulièrement la question : est-ce que je vais mourir dans l'indifférence générale ?

Pendant 24h, j'aurais pu avoir les pires maladies du monde. Pendant ces 24h, j'ai reçu plus de messages d'encouragement, de messages tout court, que pendant 23 anniversaires.

Je suis bien entourée. Si je le savais, je ne le savais pas autant. 

J'ai eu la chance que cette maladie décide de m'attaquer au moment où, dans la vie, les gens se contentent d'une famille composée d'amis, car ils rompent avec papa/maman et n'ont pas encore trouvé mari et enfants.

Je suis donc bien entourée - pour l'instant.

 Je ne sais pas combien de temps cela durera. Je sais juste que quand ils auront autre chose à penser que me soutenir ou être là, il sera sûrement temps pour moi.

J'ai cette certitude depuis longtemps, et la présence des gens durant ces journées d'angoisse a enfoncé le clou.

C'est pour ça que je n'ai rien répondu quand une amie m'a dit, dans le noir, que dans cette vie on ne peut pas y arriver seul. Si c'était une question, je n'y ai pas répondu.

Je me suis endormie.

Car cela restera toujours la réponse à toutes mes questions.

vendredi 20 janvier 2012

They made the snowman take off his clothes

[They put him away for all to see / 'Cause they were afraid of what he could be]

Une lueur de panique traverse ses yeux. "Vous êtes sûre ? Mais quand exactement ? Mais vous êtes sûre ?". 
Il parle très vite, perd son sourire, et me demande de m'allonger. Je lui demande s'il faut que je me déshabille. Il me dit non. Que c'est assez léger ce que je porte. Qu'il va y arriver quand même.

Je le regarde avec un sourcil levé. 
Je pensais qu'il allait me dire que j'avais une otite, un virus passager. Mais ce docteur est entrain de me prendre un rendez-vous en urgence avec un neurologue. 

Il revient prendre ma tension et la trouve une peu élevée. J'ai envie de lui dire "duh" mais il est si paniqué que limite je le prendrais bien dans mes bras.

Il me dit "c'est pas loin d'ici", et me décrit comment faire pour y aller.

En trois rues, que je traverse en glissant sur les talons de mes nouvelles bottes qui n'adhèrent pas tellement avec le sol parisien mouillé, je me remémore les mots du généraliste "C'pas un AVC hein mais on va quand même appeler mon collègue... bon... c'est un spécialiste de Parkinson... Il est près des abattoirs.".

Je suis déjà murée dans mon silence religieux des moments de crise. L'humour, je le garde pour twitter, où raconter ce que je vis m'aide à le réaliser.

"Vous inquiétez pas, il a un accent d'Europe centrale le neurologue mais il est très compétent."

Très compétent. Très accessible. J'entre 20 minutes après mon arrivée dans son cabinet. 

Il me touche les deux joues. Me dit que la droite est plus sèche que la gauche. Et là, il cherche sur son ordi.

J'ai un peu peur qu'il se connecte sur doctissimo et puis finalement il prend son portable, d'un air soucieux, et téléphone à à peu près tout son répertoire. Il y a un silence de mort, et j'entends tout.

Les ORL, ou ses confrères neurologues, tous disent "ah mais c'est un AVC" "mais non, elle a 22 ans." je ne le corrige pas, j'en ai 23, mais plus les chiffres sont bas, moins j'ai de chance qu'ils me traitent pour une maladie de vieux. 

Puis il parle avec un pharmacien, d'un traitement éventuel pour éliminer un virus quelconque. Il dit "non, on va quand même pas lui donner ça. Si ? Si ? Ok.". 

Il repose le téléphone. Il me dit "on faire une IRM cérébrale. Il faut qu'on voit ce qui se passe à l'intérieur.". J'ai même pas le réflexe de lui répondre "That's what they said !". Il me donne une liste de numéros à appeler à la première heure. Il me dit que si personne ne peut me prendre dans la journée, que je l'appelle sur son portable. Que je le fasse, surtout.

Oui oui.

Je ramasse mes affaires. Je signe un deuxième chèque. Je fais les deux en même temps.

Je manque de me prendre deux portes. Je me bats pour sortir mon parapluie. Les gens me regardent bizarrement. Différemment ? dans la rue... 

Je me réfugie dans la pharmacie la plus accueillante de la place d'Italie. Je ne comprends pas trop pourquoi il y a un silence gêné devant mon ordonnance. Je comprendrai après, en lisant la notice, qu'il s'agit d'un traitement souvent prescrit pour lutter contre l'herpès génital. Blague.

Bizarrement, je ne ris pas trop. Je replie la notice. La ligne 7 m'emmène à Opéra. Je trébuche le long du boulevard des Italiens. Je me fais siffler. Je crois. Je tremble un peu.

Je n'ai pas soif, pas faim. Il reste une place pour moi dans le restaurant. 

"Toi, tu es malade ?"
"Non non."

C'est pas faux. Tant que personne n'a trouvé, je ne suis pas malade. Schrödinger me. All over again.

Quelques blagues sur mon chat mort qui ne me touchent presque pas. Un refus d'alcool. 
Un câlin.

C'est au câlin que je me suis dit que rien n'allait plus. 

Je suis rentrée chez moi, presque soulagée d'y être parvenue. Du répit qui m'attendait. De retrouver des normes, des objets connus. Des murs. Je me suis endormie bercée par le murmure d'internet qui implosait. Envoyant une vague de "J'ai pas trop trop envie d'en parler maintenant..."

jeudi 19 janvier 2012

To die by your side is such a heavenly way to die


Quand des personnes qui ne se sont pas concertées me disent la même chose à quelques jours d'intervalle, j'ai tendance à le prendre très au sérieux.

En ce moment, c'est "tu peux être fière de tes études". 

J'ai un peu oublié, il est vrai, de m'auto-congratuler, tellement il était clair pour moi, depuis le lycée, que je devrai me taper 5 ans d'étude post-bac. 

Ce n'était même pas un choix, c'était comme ça.

Et puis, entre temps, j'ai emménagé à Paris où je n'ai fréquenté que des gens comme moi, dans leurs études ou tout juste sortis de celles-ci. Je crois que pas un seul de mes amis n'est ou ne sera pas bac+5.

Ce n'était pas le cas quand j'étais en Normandie, une de mes meilleures amies n'avait pas le bac, une autre était en école d'Art, un autre avait cessé ses études à la fac avant d'obtenir un diplôme. Tout était beaucoup plus hétérogène. Quelques uns étaient complexés, pas les plus proches, par mon parcours.

A Paris, je suis dans la normalité, j'ai l'impression qu'il y a les "sans-diplômes" et les CSP+ et pas grand-chose entre les deux. Ce qui nous différencie maintenant, c'est le salaire. Et, bossant dans la culture, je me retrouve tout en bas du peloton. 

Les amis avocats, ingénieurs, ceux dans la pub, ou cadres sup' me font les yeux ronds quand je leur dis combien je touche après 5 ans d'études. Moi, je m'estime déjà heureuse de ne pas être au smic, je sais que c'est le cas de beaucoup de gens qui débutent dans l'édition. 

Je me sens de plus en plus proche des free-lance. Ces précaires un peu foufous qui ont décidé que les horaires de bureaux c'était pas pour eux. Le plus souvent arty - maquettistes, auteurs, graphistes - ils passent pour des cinglés auprès de mes anciens compagnons estudiantins. Et pourtant je les envie. 

Je me retrouve de plus en plus avec une main qui me tapote le dos, en soirée, accompagnée d'une voix me disant "nan laisse, c'est pour moi.". J'éveille une certaine pitié de la part de gens qui se crèvent pour un boulot qu'ils n'aiment pas, qu'ils doivent oublier tous les soirs en buvant - se frottant - dansant comme des fous (d'où leur salaire). 

Je me crève aussi, même si mon salaire ne suit pas. J'ai aussi ce besoin de tout oublier et d'avaler comfort food / alcool / painkillers pour oublier au plus vite l'enculage de mouche quotidien. 

Je suis à ce carrefour de ma vie où il va falloir opter entre la marginalisation et l'intégration complète. 
C'est ce que j'ai prévu de faire ce printemps. Aller à New York et regarder les gens. Voir qui m'inspire le plus : les gens de Wall Street ou ceux de Brooklyn. 

Et, en rentrant, me donner les moyens d'arriver à mon nouvel objectif. Que ce soit l'un ou l'autre.

mardi 10 janvier 2012

King of clubs

[Je veux ça sur la tête de mon cadavre, s'il vous plaît]

Dimanche, j'ai pris le bus, traversé Paris. Mon sac à main défoncé sur l'épaule et une démarche peu assurée de fille déjà maladroite à la base + talon + pavés, je suis arrivée dans la cour du Louvre. Toujours un peu plus calme quand les bâtiments me dépassent, à la fois symboliquement et physiquement.

Au Louvre il ne peut rien arriver : si ces choses ont traversé les millénaires, je le peux aussi. Easy.

J'allais rendre visite au grand amour de ma vie. Celui dont je porte le deuil plus de 2300 ans après. 

Je marcherais jusqu'à l'hindus pour lui, alors quand la meuf de la caisse, après déjà 1h d'attente pour acheter mon billet m'a dit "oh bah moi je veux bien, mais vous avez plus d'une heure d'attente encore pour rentrer dans l'expo" j'ai failli lui répondre "prend garde à ma sarisse carte bleue et va te faire voir chez les grecs". Parce que moi, j'avais rendez-vous avec l'histoire des Macédoniens. 
Et avec Alexandre le Grand.

Je suis très fluctuante et mon attention est difficile à capter si vous ne me faites pas rire, ou que vous n'êtes pas blond aux yeux clairs. Mais si vous me parlez avec talent d'Alexandre, je deviens chat devant la cheminée. Et je pourrais vous écouter en ronronnant toute la nuit. 

Il y a tout dans son histoire, tout ce qui me plait. Tout ce qui fait un grand roman, un grand film, une grande vie. L'Humanité, en fait, aurait pu s'arrêter après lui, car à quoi bon vivre si on ne fait pas au moins aussi bien que lui ? 

Je tiens de lui mon obsession pour les amis proches, les alliés, et le contrôle de leur vie. Ils ne sont pas au courant mais j'ai bel et bien mes Hetairoi. Sauf qu'ils ont pas de chevals et dans l'ensemble ils n'ont jamais fait de service militaire de quelque sorte que ce soit. 

J'ai eu mes Aristote. J'ai eu la mère ultra possessive et interventionniste. J'ai eu un père presque borgne (en tout cas, au niveau des idées politiques). 

J'ai les colères, aussi.

J'ai même mon Héphaïstion.

Je ne me compare pas à lui, attention, je n'oserais, mais j'adhère au mode de vie qui fut le sien, et je vois pas tellement ce que le notre a de plus (à part les traitement contre la malaria qui empêchent de mourir à Babylone à 32 ans). 

Le truc c'est que je suis une archéologue contrariée. Que j'aurais aimé passer ma vie dans la poussière, des archives et des sites, et trouver, un jour, peut-être, des écrits de la main d'Alexandre (tous perdus) ou, ô god, sa tombe encore inviolée. 

Mais ça n'arrivera pas. Alors je me contente de rêvasser. De nous trouver d'autres points communs que la tête constamment penchée à droite. Ou les cheveux (oui, il n'était pas blond hein, mais châtain/rouquin)(je sais, ça surprend). Ou un de nos deux yeux (il en avait un marron). 

J'ai des envies de Macédoine, de voyage sur ses traces, et d'Alexandrie. 

J'ai comme l'impression qu'en suivant son fils, je trouverai certaines de mes réponses.


mercredi 4 janvier 2012

Under these lights, right now

Oh ? Vous êtes toujours là vous trois ?

Ce n'est pas que je vous aime plus, que je renie cet endroit ou que je sois rentrée dans les ordres, mais j'ai tout simplement repris mon boulot au 35h 45h, qu'un gay névrosé dort dans mon lit depuis 3 nuits, que les livreurs de sushi se font désirer et que je sors tous les soirs.

En attendant, en sortant tous les soirs, je fais des trucs de ouf comme l'expo Métropolis en nocturne sous la pluie (pas forcément dans cet ordre), dire au revoir à un autre gay autour de bouffe japonaise (j'ai clairement un problème avec les garçons hétérosexuels, si tu es psy et que tu acceptes d'être payé en lectures de manuscrit, je suis ton homme), faire des nocturnes au Musée d'Orsay tout simplement parce que y a "Oscar Wilde" dans le nom de l'expo (je suis une femme facile).*

Je me suis aussi aperçue que j'étais aussi nulle quand je m'occupais de la vie sentimentale des autres que de la mienne. 

Oh, et je pars pour New York, en mai. Après les élections. Je t'avais pas dit ? Bah voilà. 

Je vais écrire là-bas. Si si. Promis. Le truc que je dois écrire depuis longtemps longtemps et que deux personnes de haute confiance approuvent. Et il se trouve que j'y vais (normalement) avec une de ces deux personnes. So...

La bonne année à vous, bien sûr. Mais pas la bise. Oh non. Tout le monde sait que je ne fais pas la bise. Ni autre chose d'ailleurs.

Je fais juste des nocturnes.

Parce qu'après tout je suis un vampire aux yeux pâles.

Sinon vous saviez qu'en Picardie ils font des maisons avec porte magique donnant directement sur des magasins d'électro ménager ? Truc de fou. Really.

Allez, bonne nuit ! Je vais me coucher à Opéra, je vais à Opéra.

*Faites l'expo Métropolis en visite guidée, sinon vous ratez quelque chose, et concernant l'expo sur l'esthétisme au temps de Wilde, je triche un peu : je la vois demain.